Pompeo, Soros et l’Iran : de la nécessité vitale d’un souverainisme non-aligné.
Beaucoup s’étonnent de l’actuelle montée aux extrêmes de l’administration Trump sur la question iranienne. Malheureusement celle-ci n’est pas surprenante, elle est en fait très cohérente avec les prises de positions régulières du secrétaire d’État américain, Michael R. Pompeo. Celui-ci multiplie les allusions et les références guerrières issues de l’Ancien Testament, allant jusqu’à comparer Donald Trump à une nouvelle Esther venu délivrer le peuple juif de Haman, ce Vizir de l’Empire perse, ennemi antique des juifs. Une figure qui renvoie dans la longue mémoire juive à l’Iran actuel [1] et qu’évoquera à son tour Benjamin Netanyahu lors d’une déclaration conjointe avec Pompeo en mars 2019 : « Nous célébrons Pourim, quand, il y a 2500 ans, d’autres Perses, menés par Haman, ont tenté de détruire le peuple Juif. Ils ont échoué ; et aujourd’hui, 2 500 ans plus tard, une nouvelle fois, les Perses dirigés par Khamenei tentent de détruire le peuple Juif et l’État Juif. »[2]
Michael R. Pompeo fût aussi le premier secrétaire d’État américain à visiter la vieille ville de Jérusalem en compagnie d’un haut responsable politique israélien. Une visite historique qui constituait une reconnaissance tacite de la souveraineté israélienne sur le site du mont du Temple et de l’esplanade des Mosquées. Durant cette visite Pompeo, accompagné du Premier ministre Benjamin Netanyahu et de l’ambassadeur américain en Israël David Friedman, visita l’endroit supposé du sanctuaire du Temple de Jérusalem. Là ils purent observer ensemble « une reconstitution en réalité virtuelle du temple juif qui surmontait autrefois le mont du Temple » ainsi qu’une maquette très détaillée du futur temple présentée par l’Institut du Temple (The Temple Institute). [3]
Dans le premier dossier publié par le think tank Strategika, j’expose en détail l’influence des courants millénaristes évangélistes philo-sionistes sur l’administration Trump et le rôle qu’exerce Mike Pompeo en ce sens. Des courants qui viennent empêcher les promesses d’isolationnisme et de réalisme politique de l’administration Trump et qui poussent celle-ci à la guerre avec l’Iran au nom d’interprétations littéralistes de l’Ancien Testament. Des sectes protestantes pour qui la reconstruction du Temple de Jérusalem joue un rôle central dans leur vision du monde et leur idéologie.
La ligne de l’administration Trump est en fait assez claire : elle est néo-occidentaliste géopolitiquement et judéo-chrétienne sur le plan théopolitique. Elle s’oppose au globalisme sorosien quand celui-ci veut faire de l’Occident une société ouverte intégrale et dissoudre les États-Unis et ses vassaux dans un magma post-national mais elle s’oppose tout autant aux puissances géopolitiques qu’elles qualifient de révisionnistes quand celles-ci menacent l’unipolarité et l’hégémonie américaine. Cette confrontation droite Trumpienne / gauche sorosienne se double aussi d’une fracture toujours plus béante entre gauche juive globaliste et droite juive sioniste au sein du judaïsme politique international. Pour les occidentalistes judéo-chrétiens, Israël est un centre théopolitique majeur de l’Occident, peut-être plus que le Vatican. Un Vatican qui, avec le Pape François, a de toute façon choisi une orientation sorosienne et onusienne opposée à la ligne de déconstruction des institutions internationales défendue par l’administration Trump.
Cet occidentalisme américano-centré attaque ainsi frontalement les institutions internationales comme l’ONU et l’UE accusées d’être trop bureaucratiques, incapacitantes et surtout anti-occidentales. Comme en témoignent les déclarations de Michael R. Pompeo en 2018 dans une allocution intitulée « Rétablir le rôle de l’Etat-nation dans l’ordre libéral international » [4] :
« Certaines nations considèrent les traités relatifs au climat de l’ONU comme un simple moyen de redistribuer la richesse. Le parti pris anti-israélien a été institutionnalisé. Les puissances régionales s’entendent pour voter en faveur du siège de pays tels que Cuba et le Venezuela au Conseil des droits de l’homme. À sa création, l’ONU se voulait une organisation vouée à l’accueil des pays épris de paix. La question que je pose est la suivante : aujourd’hui, continue-t-elle à remplir fidèlement sa mission ? »
Durant cette intervention Michael R. Pompeo synthétisait le projet de réorientation du système des relations internationales conduit par l’administration Trump :
« Dans les plus belles traditions de notre grande démocratie, nous rassemblons les nations pour construire un nouvel ordre libéral capable de prévenir la guerre et d’assurer une plus grande prospérité »
Un « nouvel ordre libéral » trumpien lié à l’agenda de la droite religieuse israélienne et qui veut supplanter le « nouvel ordre mondial » des globalistes sorosiens. Mais la contradiction est ici flagrante : comment « Rétablir le rôle de l’Etat-nation dans l’ordre libéral international » comme le propose Pompeo et agir ensuite comme viennent de le faire les États-Unis en Irak ? C’est sur cette faille majeure de la doctrine Pompeo que pourra s’appuyer le think tank de Soros et Koch afin de siphonner l’opinion isolationniste américaine vers le candidat démocrate.
Lors du dernier forum de Chișinău en Moldavie en septembre dernier, je rappelais les aspects positifs du « Trumpisme » quand celui-ci se confronte au globalisme sorosien mais aussi ses aspects plus que problématiques au niveau des relations internationales pour les intérêts européens. Sur le plan des valeurs et d’une certaine volonté de freiner la culture de mort mondialiste, le pan-conservatisme trumpien et ses alliés souverainistes actuels apparaissent comme une bonne orientation mais au niveau de la politique étrangère, avec le parasitage permanent du sionisme religieux dur, cette orientation s’avère catastrophique pour nos intérêts géostratégiques au Moyen-Orient et en Eurasie.
L’Europe n’a pas à choisir entre entre un néo-occidentalisme brutal qui veut la vassaliser et la couper de ses intérêts vitaux en Eurasie et un globalisme sorosien délétère qui veut réaliser un nouvel ordre mondial post-national sur les ruines de la civilisation occidentale. L’élaboration d’une orientation géostratégique autonome pour les nations européennes est aujourd’hui impérative afin de traverser la zone de turbulences qui s’ouvre en ce début d’année 2020.
Encore faudra-t-il ensuite un personnel politique européen apte à l’incarner et l’actualiser avec le courage et la volonté de puissance nécessaire. Il s’agit de savoir si nous voulons être objet ou sujet de notre histoire future.
Pierre-Antoine Plaquevent – janvier 2020.
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