L’Assemblée nationale vote discrètement un transfert de souveraineté sanitaire à l’Europe
Source : atlantico.fr
Commentaire Strategika : une étape de plus vers l’intégration euroglobaliste totalitaire
L’Assemblée nationale a voté un transfert de souveraineté sanitaire à l’Europe. L’Union européenne était dépourvue de compétences en la matière avant la crise du Covid.
Charles Reviens : Le texte mentionné et publié le 25 aout dernier est une résolution « européenne » prévue dans l’article 88-4 de la Constitution (issu des réformes constitutionnelles suite au traité de Maastricht de 1992) et autorisant les assemblées à justement adopter des résolutions portant sur les projet juridiques européens. Les résolutions ne contiennent pas de dispositions impératives et sont en quelque sorte des déclarations de principes qu’avait d’ailleurs interdit le constituant de 1958. Cette résolution particulière a été portée par une députée socialiste et un député LREM membres de la commission des affaires européennes.
Son contenu est un peu la déclinaison au champ sanitaire de l’ « union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe » promue au frontispice (article premier) du traité de Maastricht. Entre autres choses, la résolution du 25 aout :
- salue les propositions de la Commission européenne pour renforcer l’Europe de la santé et pérenniser les mesures ayant bien fonctionné pendant la crise, et pour développer l’autonomie stratégique européenne dans le domaine pharmaceutique
- soutient la création d’une nouvelle agence sanitaire (autorité de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire-HERA), d’un cloud européen de données sanitaires et d’un mécanisme européen de solidarité pour financer dépistage et vaccination des personnes précaires ;
- évoque l’opportunité d’une modification des traités en tant que de besoin ;
Enfin la résolution n’omet pas la thématique « fake news » en suggérant « une approche commune pour lutter contre la manipulation et la propagation de fausses informations sanitaires », pouvant poser un problème européen de santé publique.
A date la santé publique n’est qu’une « compétence d’appui » de l’Union européenne qui peut uniquement soutenir, coordonner ou compléter l’action des États membres sans ni pouvoir légiférer ni entraver la capacité des pays à légiférer en la matière. Mais on se souvient que les pays membres de l’Union européenne ont décidé à l’été 2020 de confier à la Commission un rôle d’achat en commun des doses de vaccins pour l’ensemble des membres, mission lancée en retard par rapport aux Etats-Unis et au Royaume-Uni d’où de très vives et très critiquées tensions d’approvisionnement au début de l’année 2021, tensions dont il faut reconnaitre qu’elles ont globalement disparu depuis le printemps.
L’objet de la résolution semble donc de faire levier sur les circonstances exceptionnelles de la pandémie covid-19 pour renforcer l’intégration européenne dans le domaine sanitaire et notamment confier à la Commission des attributions à la fois plus grandes et plus permanentes, sans vraiment passer ces attributions au test du principe de subsidiarité.
On peut pourtant analyser la pertinence de l’échelon européen via l’exemple de la pandémie. Ainsi il serait probablement très pertinent de favoriser des coopérations européennes dans le domaine de la recherche, coopérations qui semblent avoir grandement manqué dans la crise sanitaire puisque la quasi-totalité des vaccins injectés dans l’Union sont contrôlés par des entreprises pharmaceutiques hors UE. En revanche des pans entiers de la gestion de la crise sanitaire dépendent inéluctablement des autorités nationales avec des écarts importants de performance, comme l’atteste la surperformance espagnole en matière dé vaccination. Il y a enfin des domaines où l’ADN européen va à l’encontre de l’efficacité : c’est clairement le cas des réticences face à la fermeture des frontières et des quarantaines frontalières, éléments centraux des pays qui ont déployé les stratégies de suppression ou de minimisation virales.
Laurence Le Poder : L’Assemblée nationale a voté un transfert de souveraineté sanitaire à l’Europe. L’Union européenne était dépourvue de compétences en la matière avant la crise du Covid.
La pandémie que nous vivons a suscité beaucoup de critiques sur l’efficacité de l’Europe à gérer cette crise. En matière de santé, les Etats membres de l’Union européenne sont souverains. Et depuis plus de 1 an, nous sommes confrontés à une grande hétérogénéité des mesures et actions prises, manifestation évidente de l’absence d’un cadre européen commun indispensable à l’efficacité des actions et des mesures de gestion de la crise sanitaire.
Des mesures très hétérogènes qui questionnent l’efficacité de gestion de crise des Etats membres …
Nous avons tous encore en mémoire les nombreuses mesures et actions qui ont marqué nos vies cette année : confinements, total ou partiel, couvre-feux, fermetures des frontières, rôle des établissements scolaires dans la diffusion du virus, durée et modalités de l’isolement des cas contagieux diverses et variées, mises en place de distances préconisées entre les personnes, des stratégies de tests et de traçages des cas contacts, de l’approvisionnement en matériel médical…
Nous comprenons la nécessité de prendre des mesures différenciées selon les pays et/ou les régions. Mais ce que nous ne comprenons pas toujours pas, c’est le pourquoi telle ou telle mesure. La décision de recourir une action devrait dépendre des résultats attendus. Et pourtant il est difficile de disposer d’études énonçant les bénéfices et les coûts. Et l’absence d’un cadre harmonisé au niveau européen d’application de ces différentes actions constitue un obstacle à l’efficacité des mesures de prévention et de gestion des crises sanitaires, et surtout à l’acceptation de ces mesures par les populations.
Et de l’Europe car l’Union européenne n’est pas vraiment dépourvue de compétences en la matière avant la crise du Covid…
La politique sanitaire européenne n’est pas inexistante. L’article 168 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, intitulé « Santé publique », précise que l’UE oriente les politiques de santé des pays membres vers des mesures, visant à protéger les ressortissants européens.
Mais la politique de santé européenne n’a pas vocation à orienter les réformes des systèmes de santé nationaux, même si l’aspect fiscal peut laisser le supposer.
Par ailleurs, le traité de Lisbonne de décembre 2007 donne à l’Union européen la compétence pour agir, l’UE ne peut agit qu’en coordination, en appui ou en compléments des actions des Etats membres la matière.
Ainsi l’Europe dispose déjà de compétences via 2 grandes agences de sécurité sanitaire (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) et l’Agence européenne des médicaments (EMA). Ces 2 agences ont bien sur été mobilisées pendant la crise de la covid-19 pour la collecte et diffusion de données fiables et la surveillance des risques de pénuries de médicaments ou dispositifs médicaux et faciliter les procédures d’approbation de potentiels médicaments.
La politique de santé est de la compétence de chaque Etat, et la solidarité des Etats membres a été inexistante les premières semaines. Passé cet effet de sidération, inhérente à toute crise, les institutions européennes ont été mobilisées. Mais cette pandémie met en avant que les frontières ne constituent pas une protection. Et donc les pays se doivent d’être coopératifs pour gérer une telle crise.
Aujourd’hui la commission souhaite renforcer leurs moyens. C’est en ce sens que l’Assemblée nationale a voté un transfert de souveraineté sanitaire à l’Europe.
Les points marquants de la résolution …
La résolution européenne a été adoptée le 25 aout 2021 dernier. Des éléments d’organisation tant au niveau de la veille et des systèmes de surveillance, de la préparation à affronter des crises sanitaires (soutien la création de plans nationaux), de la gestion des urgences et crises sanitaires avec la création d’une nouvelle agence sanitaire permanente, l’Autorité de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA), de développer une stratégie d’autonomie européenne par des aides à la relocalisation de certaines chaines de valeur stratégiques.
Mais dont l’efficacité en matière de gestion de crise sur le plan sanitaire pour les éventuelles prochaines crises reste à prouver.
Dans le livre Spike: The Virus vs. The People – the Inside Story, l’auteur,Jeremy Farrar, montre que les contacts personnels et les messageries privées peuvent expliquer certains succès britanniques dans la gestion du Covid là ou des canaux officiels sont largement responsable des bugs, des retards et des échecs. Lors de la crise du Covid, est ce effectivement par ces canaux non-officiels qu’ont pu émerger les solutions ?
Charles Reviens : Le livre évoqué relate l’expérience durant la pandémie de Jeremy Farrar, directeur de la fondation scientifique britannique Wellcome Trust et conseiller scientifique des pouvoirs publics. Outre une revue complète des hypothèses sur l’origine du virus, Jeremy Farrar a constaté l’importance des réseaux informels et des contacts interpersonnels dans la construction de solutions positives et concrètes en Grande-Bretagne et les limites d’efficience des canaux officiels et formels. Implicitement il critique les échanges numériques et dématérialisés et donc le télétravail qui a pourtant explosé avec la pandémie.
Les mécanismes formels et officiels ont effectivement montré souvent des limites ou des lacunes pendant la crise sanitaires mais certains tâtonnements étaient probablement inéluctables face à une situation exceptionnelle et inédite, en tout cas au début. Des initiatives moins officielles comme covid tracker/vite ma dose ont permis de pallier certaines faiblesses.
La rapidité de la réaction à une crise est-elle nécessairement plus longue plus l’organisation est vaste et complexe ?
Laurence Le Poder : En période de crise, l’efficacité et la rapidité des réponses sont la clé de voute d’une bonne gestion de crise. Au-delà de la définition d’un cadre commun, l’UE doit alors se doter d’une vraie organisation de gestion de crise, avec des pouvoirs spécifiques pour faire à cette pandémie et aux futures crises sanitaires.
Mais ces éléments ne sont pas précisés dans cette résolution.
Exemple : quel est le mandat et le rôle opérationnel de HERA ? sera-t-il à l’image du ECDC ?
Petit rappel, l’ECDC est un système de veille, de surveillance et de précaution, créé en 2005 après l’épidémie du SRAS en 2003. Mais le mandat du ECDC était limité à la seule surveillance des maladies infectieuses, et l’ECDC n’a aucun rôle opérationnel.
Aujourd’hui, les politiques de prévention des risques sont très diverses et assez lentes à mettre en oeuvre. L’explication de cette diversité des mesures a fait couler beaucoup d’encre et parait galvaudée. Ce qui est sûr, c’est que ces multiples décisions reflètent les différences de doctrines et de politiques de prévention des risques et des crises sanitaires.
Et plus une organisation est vaste et complexe, plus les canaux de prises de décisions peuvent diverses et confuses constitue un frein à une réponse rapide en situation de crise.
Prenons un exemple, fallait-il ou pas suspendre les injections du vaccin AstraZeneca au niveau européen ? Les informations concernant les cas de thromboses liés au vaccin AstraZeneca, sont diffusées au niveau d’un pays. En avril 2021, l’ANSM a identifié en France 23 cas de thromboses atypiques, dont 8 morts, alors que plus de 2,7 millions d’injections de ce vaccin ont été réalisées en France.
Or chaque pays, souverain dans le choix de sa politique sanitaire a sa propre étude sur les risques, le niveau acceptable…Cela constitue indubitablement un obstacle à l’efficacité d’une gestion de crise efficace au niveau européen…
Car une gestion de crise efficace au niveau européen nécessite d’avoir rapidement une information sur les risques au niveau européen. C’est à cette condition que l’Union européenne peut mettre en place une politique de prévention des risques.
Seule une étude au niveau européen, centralisant les données, donnera une conclusion convaincante sur l’efficacité ou non du vaccin AstraZeneca.
Charles Reviens : La structure d’une organisation humaine influe très certainement sur sa performance face à une crise ou un choc mais au milieu de multiples autres facteurs : le niveau de préparation de l’organisation, son caractère centralisé ou décentralisé, la confiance ou la défiance entre les acteurs impliqués, la lisibilité ou l’illisibilité de leurs comportements, les principaux axes de liberté et axes de contraintes, le niveau de discipline collective, la compétence et le leadership des dirigeants etc… Donc la nature de l’organisation n’est pas tout.
Si sur cette base on analyse la performance des pays d’Amérique du Sud où la pandémie a fait un véritable carnage, on constate une performance absolument dramatique du Pérou, et au contraire une performance du Chili seulement légèrement dégradée par rapport à la France.
Est-ce que dans le cadre d’une gestion de crise les canaux officiels sont forcément trop lents pour agir avec efficience ?
Charles Reviens : Dans une affaire de santé publique avec de forts impacts économiques comme l’est la pandémie covid, les canaux officiels sont nécessaires puisqu’il faut bien une parole officielle « de référence ». Leur lenteur est tout sauf inéluctable, comme l’atteste l’exemple sud-coréen (moins de 45 morts par million d’habitant contre près de 1 600 en France… et près de 6 000 au Pérou) dont le ministère de santé avait agréé des tests PCR dès le 4 février 2020.
Laurence Le Poder : La réponse à cette question n’est pas évidente. Généralement les canaux officiels s’ils sont trop complexes, alors ils sont trop long à réagir efficacement.
Exemple : la mise en œuvre du principe de précaution lors des campagnes de vaccinations de ces derniers mois.
Présent dans beaucoup de traités européens depuis Maastrich, ce principe consiste à évaluer les risques en situation d’incertitude et permet de déterminer un niveau d’alerte justifiant la suspension d’un produit.
L’évaluation du niveau de risque de la vaccination, et donc la question du niveau d’alerte qui justifie la suspension de la vaccination, aurait du être réfléchie au niveau européen avant la crise. En effet, quand une crise survient, les pressions médiatique et politique, et la dimension émotionnelle sont très fortes et stigmatisent les débats idéologiques quant à l’intérêt du principe de précaution.
Aujourd’hui, les campagnes de vaccination se heurtent à un scepticisme dans l’opinion publique et donnent lieu à des campagnes antivax qui peuvent mettre en péril cette mesure de lutte contre la covid 19.
Or les crises sanitaires passées ont montré que les actions à mener et les décisions à prendre en matière de campagne de vaccination doivent être envisagées au niveau européen, et expliquées à la population, avant que ne surviennent des effets indésirables inévitables lorsque l’on vaccine plusieurs millions de personnes.
La pandémie favorise la suspicion de la population quant aux compétences et aux capacités de nos gouvernements à gérer cette crise. Elle met également en évidence les écarts entre les pays du continent européen, constituant par ailleurs une des faiblesses de l’Union européenne en matière de santé.
Bien sur la crise sanitaire est loin d’être terminée, mais il nous faut préparer l’étape suivante, à savoir préparer les retours d’expérience, indispensables si l’on veut améliorer la prévention. Ces retours d’expériences doivent être menées au niveau européen pour plus d’efficacité. Cet aspect est pris en compte dans la résolution récemment adoptée.
Pour conclure, même si la santé reste une compétence des Etats, c’est déjà un premier pas vers la coordination et la coopération au sein des pays européens. Car pour se préparer à affronter les défis et les enjeux des crises sanitaires de demain, une action européenne et stratégique en matière de santé publique apparait désormais indispensable pour disposer d’un ensemble de procédures communes permettant d’organiser des actions coordonnées : « l’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises » (Jean Monnet)