Guerre économique : annulation du contrat du siècle entre le français Naval Group et l’Australie
Par Grégoire Diamantidis, général (2S) membre du Centre de réflexion Interarmées
Abonnez-vous au canal Telegram Strategika pour ne rien rater de notre actualité :
Faites un don pour soutenir l’analyse stratégique indépendante :
On pourrait penser que l’ unilatéralisme et le mépris US pour les « alliés » européens :
- dans la décision de départ précipité d’Afghanistan,
- dans cette magnifique manipulation anglo-saxonne au sein des « five eyes »,
- et dans celles qui ne manqueront pas de suivre …
ouvriraient les yeux des européens et de nos dirigeants nationaux…mais rassurez-vous, braves gens, une fois retombé le soufflé des grandes déclarations d’Ursula VDL sur « l’Europe de la défense », et de la France sur « le coup dans le dos », il ne se passera rien de fondamentalement sérieux.
Certes début 2022 la présidence française de l’UE donnera lieu à de magnifiques envolées lyriques sur le sujet, avec même peut-être la création d’une nième nouvelle invention/structure/EM/concept/force EU/etc… , venant s’ajouter aux nombreux gadgets européens déjà inventés pour accompagner la mise à mort de l’UEO (par nos chers alliés) , et maintenir la chimère de « l’Europe de la Défense » en vie, gadgets tels que:
- EM européen de gestion de crise,
- Agence européenne de Défense pour l’armement (AED) avec ses 7petits Mds $ pour camoufler les centaines de Mds que les européens de l’OTAN achètent aux USA (pour rappel : ensemble des budgets des membres européens de l’OTAN > sup à 250 Mds $!) sous forme de F35, frégates Aegis, Patriots, etc..
- Fond européen de défense,
- CSP ou Coopération Structurée Permanente (PESCO en anglais)
- IEI : Initiative Européenne d’Intervention,
- et j’en oublie …
et donc cette présidence française du 1er janvier au 30 juin 2022, avec l’activisme probable qui l’accompagnera, permettra surtout au Président de la République de se présenter comme « l’Archange sauveur de l’Europe » , de lui assurer ainsi une bonne campagne électorale, ravivant du même coup les bonnes vieilles méfiances de certains « amis » européens vis à vis de la France et de sa mousse « euromédiatique » pour justifier ainsi leur sage retour , bien au chaud sous l’aile protectrice du grand frère.Et tout rentrera dans l’ordre, …comme avant, tous bien soumis à l’OTAN car ainsi le veulent l’Allemagne, nos amis de l’Est, notre allié anglais, et bien sûr le grand frère; quant aux autres, ils suivront bien sûr.Car en fait l’expression même d’ « Europe de la Défense » n’a aucun sens, en effet personne ne parle par exemple de la « France de la Défense » , mais plutôt de la « défense de la France » , c’est à dire de la défense d’une entité nationale souveraine, d’où découle sa politique extérieure, d’où découle sa diplomatie, s’appuyant entre autres sur ses armées.
Il faudrait donc d’abord imaginer une entité européenne nationale souveraine : ce qui est un oxymore puisqu’il n’existe pas de « nation européenne » ; d’où pas de souveraineté européenne, et donc pas de diplomatie européenne (pauvre brave Josep Borell !), donc pas de défense européenne. Et c’est bien pour ça que nos « eurolâtres » ont inversé le concept en inventant l’expression « Europe de la défense » , invention qui ne peut qu’être un concept creux, ou pour le moins marginal, puisqu’en réalité:
- la défense de l’Europe est confiée à l’OTAN, c’est à dire essentiellement aux États-Unis
- et par conséquent la diplomatie de l’Europe est aussi confiée aux américains (il ne s’agit pas des diplomaties nationales …lorsqu’elles existent !)
- et toujours par conséquent la politique extérieure de l’Europe.
Par une extraordinaire inversion/soumission de la pensée, nous en sommes arrivés depuis des décennies, à ce que ce soit l’outil de défense OTAN qui justifie/formate la diplomatie et la politique extérieure de l’Europe au lieu de la logique normale inverse, malheureusement impossible puisque aucun leadership européen naturel ne peut exister en l’absence d’une « nation européenne » (oxymore!). Alors certains pourraient penser à un état d’Europe qui pourrait être une nation cadre/ leader, comme un pôle autour duquel viendraient s’agglomérer les autres nations européennes. Mais laquelle?
- La France?
Bien sûr, suivez mon regard, nous sommes immédiatement tentés de penser à la France, qui, comme nous l’avons écrit dans notre dernière synthèse « ..politique française utile à l’Europe.. » possède un certain nombre d’atouts pour aider l’Europe.
Mais l’Allemagne n’acceptera jamais un quelconque leadership français sur l’Europe : elle est plus puissante (économiquement et démographiquement encore pour un temps) , elle est au centre de l’Europe, et il y a surtout le poids de l’histoire.N’oublions pas qu’après plusieurs siècles de domination française sur le continent, en particulier depuis les traités de Westphalie jusqu’à Napoléon III , Bismarck est parvenu à créer la grande Allemagne sur le dos de la France (grâce au désastre de Sedan entre autres) et à lui donner le rôle dominant et central en Europe. Rôle qu’elle a conservé jusqu’à ce jour malgré les deux guerres mondiales ; certes la tache du nazisme l’empêche de le clamer haut et fort, mais dans l’inconscient allemand, la France restera toujours la nation vaincue de 40 , comme l’a monté la réflexion ironique du Generalfeldmarschall Keitel venu à Berlin le 8 mai 1945, signer la capitulation de l’Allemagne, quand il lance , à propos du représentant français » tiens, ils sont là eux aussi » .
- Le Royaume Uni ?
Impensable, il n’est plus dans l’UE, et il est reparti vers le grand large et vers son grand frère comme vient encore de le démontrer de façon fracassante l’affaire australienne. Et de toutes façons le Royaume Uni n’a pas besoin d’être ce pôle agglomérant, puisqu’il l’est déjà à travers le rôle majeur qu’il joue sur l’Europe par l’OTAN au sein duquel sa « relation spéciale UK-US » lui assure cette domination.
- Resterait l’Allemagne ?
Elle assume déjà ce rôle économiquement parlant, mais pour elle, le poids de l’histoire lui interdisant de le jouer politiquement et donc militairement parlant, elle ne peut le jouer qu’à travers l’OTAN, c’est à dire à travers les États-Unis, pour rester ainsi politiquement acceptable ; et c’est ce qu’elle fait en voulant être et rester le meilleur élève de la classe otanienne. La boucle est bouclée.Il ne reste que la solution d’une France plus souveraine , plus libre vis à vis de l’OTAN, s’ouvrant à d’autres états , et capable de fédérer des coalitions de nations au coup par coup, autour d’elle, et selon les besoins.La réflexion est ouverte ..GD