Pourquoi j’ai quitté Palo Alto (Californie) pour m’installer à Varsovie
Source : visegradpost.net – 26 septembre 2021 – Dominik Andrzejczuk
Article paru sur Medium.com le 16 août 2021.
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On me demande régulièrement : « Mais pourquoi diable quitter la Californie pour aller en Pologne ? » C’est une question sincère et je n’en veux pas aux gens qui me la posent. Pourquoi diable aurait-on envie de quitter l’utopique Californie pour aller, contre toute attente, s’installer… en Pologne ? Pourquoi ai-je laissé derrière moi les plages virginales de la Côte Ouest et leur ai-je préféré les plaines moins tempérées qui s’étendent entre la Mer Baltique et les Carpates ?
Ma réponse s’articulera en deux parties. Dans la première, j’aborderai les raisons économiques de mon choix ; dans la seconde, les aspects tenant à la qualité de vie.
Pour replacer les choses dans leur contexte : Américain d’origine polonaise, j’ai vécu toute ma vie aux États-Unis et me suis installé à Varsovie en 2018.
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Une opportunité économique
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Une forte concentration de talents dans les hautes technologies
Au classement des pays en fonction du nombre de diplômés pour 100 000 habitants, en 2017, la Pologne occupait la 4° place du classement général des diplômés en STEM (Science, Technologie, Ingénierie, Mathématiques),
et la première place du classement pour les femmes diplômées en STEM au sein de l’Union européenne.
Ces chiffres font de la Pologne un pays avec lequel il faudra compter, pour les 5 à 10 années à venir, dans un monde toujours plus numérique. Quand on entre dans une entreprise polonaise des hautes technologies, il est sidérant de constater, parmi les ingénieurs, une parité hommes / femmes presque parfaite. C’est particulièrement frappant quand on compare avec la région de la Baie de San Francisco où les entreprises baignent principalement dans une culture de « frères-programmeurs » [brogrammers en anglais].
Cependant, ce qui distingue la Pologne, plus que la simple quantité de ses talents, c’est surtout leur qualité.
Au niveau mondial, la Pologne est dans le peloton de tête en matière de science des données, d’apprentissage automatique et d’informatique quantique. On retrouve régulièrement des ingénieurs polonais en tête des classements de la plateforme Kaggle et des entreprises de la Big Tech comme Box, Google, Microsoft, Nvidia et bien d’autres mettent sur pied, pour des milliards de dollars, des centres consacrés au deep learning, à l’infrastructure cloud et à l’intelligence artificielle.
L’entreprise polonaise de matériel informatique Creotech est aussi une entreprise de pointe en matière de révolution quantique dans la région. Ce sont eux qui usinent le Control System Hardware Stack appelé ARTIQ/Sinara. Dans le monde entier, ce système est utilisé par de nombreux robinets ioniques et de nombreux ordinateurs de type Neutral Atom Quantum.
Trop d’ingénieurs, pas assez de PDG
Quand on la compare à la Silicon Valley, la Pologne constitue un paradoxe. En effet, pour décrire la région de la Baie de San Francisco, on pourrait dire :
« Trop de PDG, pas assez d’ingénieurs. »
Or en Pologne, c’est l’inverse. Dans ce pays qui n’a échappé que récemment au glacis communiste, le monde entrepreneurial est encore en phase de développement. La plupart des start-up polonaises de la high-tech sont dirigées par d’anciens ingénieurs, qui les ont fondées et qui les gèrent comme des ingénieurs sont susceptibles de le faire. C’est une spécificité qui vous saute aux yeux lorsque vous voyez comment les produits sont présentés et vendus.
L’une des conséquences négatives de la période de près d’un demi-siècle que le pays a passé bloqué derrière le rideau de fer, c’est que l’ouverture au marché mondial de l’économie polonaise reste assez récente. Les entrepreneurs polonais en sont donc encore à apprendre comment pénétrer ces marchés et comment attirer les clients qu’ils recèlent.
Cette situation avantage grandement les gens qui viennent de l’Ouest, surtout s’ils ont de l’expérience en matière de commerce, de vente ou de marketing. Quand un entrepreneur occidental, capable de monter des équipes et de vendre des produits, fonde une entreprise en mesure d’exploiter la mine d’or des talents technologiques polonais, ses possibilités sont illimitées.
Bon an mal an, le PIB de la Pologne augmente de 4,5% par an
En ne tenant pas compte du ralentissement dû au COVID-19, le PIB de la Pologne connait une augmentation régulière de 4,5% par an depuis 1990. Un record absolu en Europe. Même en 2020, la contraction de l’économie polonaise n’a été que de 3,5%, contre une moyenne de 5,5% de contraction dans l’OCDE, et jusqu’à 10% de contraction au Royaume-Uni. Alors que, dans l’Europe tout entière, on a assisté à une explosion des chiffres du chômage, en Pologne, les chiffres officiels, qui n’ont pratiquement pas bougé, restent les plus bas de l’UE, à en croire les données récemment publiées par Eurostat.
On s’attend à une augmentation encore plus rapide du PIB polonais en 2021 et au cours des années suivantes. Le Fond Monétaire International (FMI) a revu à la hausse les prévisions de croissance de l’économie polonaise, qui sont passées de 3,5% à 4,6% pour 2021 et de 4,5% à 5,2% pour 2022.
Tout le monde parle bien anglais et c’est un pays sûr
Même si vous n’êtes pas polonais, ici, il vous sera facile de communiquer avec tout le monde. Les Polonais commencent l’anglais à l’école primaire. Arrivés à l’âge adulte, ils le parlent pour la plupart correctement. Ainsi, même dans le cas où vous ne comprendriez pas un traître mot de polonais, vous arriverez tout de même à vous en sortir au quotidien. De tous les pays de l’ancien bloc communiste, c’est la Pologne qui procure le « feeling » le plus occidental.Plus important encore : que vous ayez des enfants à élever ou que vous cherchiez tout simplement à vivre paisiblement, vous serez heureux d’apprendre que la Pologne est l’un des pays les plus sûrs d’Europe. Pour 2019, Eurostat a classé la Pologne au troisième rang des pays les plus sûrs de l’Union européenne. Les services français et allemands ont enregistré jusqu’à quatre fois plus de délits que leurs homologues polonais.
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La qualité de vie
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L’alimentation
La qualité de l’alimentation dépasse l’imagination. La règlementation de l’UE en matière d’alimentation est très stricte, ce qui oblige l’industrie alimentaire à se concentrer sur la qualité, plutôt que sur la quantité de ce qu’elle produit.
Je vais illustrer mon propos en vous parlant du pain. Aux États-Unis, le pain est atroce. Il a la texture d’un tapi de yoga. Ici, en Europe, on connaît aussi ce type de pain, mais on l’appelle « toast », car il ne viendrait à l’idée d’aucun européen sain d’esprit de le consommer autrement que toasté au grille-pain. À San Francisco, il y avait une boulangerie appelée Tartine’s, devant laquelle la file d’attente s’étendait toujours jusqu’au coin de la rue. À Varsovie, nous avons une vingtaine de boulangeries du même niveau que Tartine’s.
Et si, comme moi, vous êtes végétalien, vous ne mourrez certainement pas de faim. On a classé Varsovie au sixième rang dans un classement des villes du monde les plus ouvertes aux végétaliens, ce qui est assez remarquable quand on connait la place qu’occupent la viande et les pommes de terre dans la cuisine traditionnelle polonaise. Cela dit, les amateurs de viande n’en seront pas moins à la fête. Varsovie abrite plusieurs des meilleurs restaurants d’Europe, dans des genres qui vont du steak house au restaurant traditionnel polonais.
La culture
Avec plus de mille ans d’histoire, la culture polonaise plonge ses racines dans un passé profond. Depuis la République des Deux Nations du XVIe siècle jusqu’à la « Pologne disparue » du XVIIIe siècle, les artistes, musiciens, savants et écrivains polonais ont apporté une contribution de poids à la culture occidentale.
Par une chaude après-midi d’été, vous pourrez vous rendre dans le parc des Bains Royaux pour assister à un concert consacré à la musique de Chopin. Mais si vous êtes plutôt du genre à vous intéresser à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, vous irez visiter l’un ou l’autre des nombreux musées consacrés à la guerre.
Plus au sud, vous pourrez aller visiter Cracovie, qui a l’un des plus beaux centres historiques de toute l’Europe, ou encore vous rendre, non loin de Varsovie, à Wieliczka, pour visiter sa mine de sel, inscrite par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité.
La vie bon marché
En dépit d’une lente tendance à la hausse, en général, la Pologne reste un pays où la vie est très peu chère. Varsovie, pourtant la ville la plus chère du pays, reste incomparablement moins chère que la plupart des villes des États-Unis et d’Europe de l’Ouest. Malgré un PIB per capita qui augmente année après année, la vie en Pologne reste bon marché.
En 2021, le loyer d’un appartement F1 de 50 mètres carrés en centre-ville vous coutera en moyenne 600 dollars par mois. Une course en Uber vous coutera environ 3 dollars à travers la ville, et 8 dollars entre le centre-ville et l’aéroport. Pour 15 dollars, Uber Eats vous livrera à domicile un repas largement suffisant pour deux bouches affamées, et il vous en restera même pour le petit déjeuner du lendemain.
En Pologne, on travaille pour vivre
Contrairement à certains pays de l’ouest ou du sud de l’Europe, en Pologne, on sait, tout en travaillant dur, maintenir un équilibre entre travail et loisirs. Les Polonais travaillent dur, mais ne vivent pas pour travailler. En Amérique, la culture veut qu’on s’administre le travail comme une drogue et qu’on manque de limites claires entre vie privée et vie professionnelle. Aux États-Unis, le travail, c’est la vie, comme on peut facilement s’en convaincre en parlant à des américains rencontrés en société : aussitôt les présentations faites, des américains vous demanderont probablement « ce que vous faites dans la vie ». Un Polonais ne vous posera cette question qu’une fois que vous vous connaîtrez déjà un minimum. Les Polonais accordent beaucoup d’importance à la recherche d’un équilibre entre vie privée et vie professionnelle, ce qui rend d’ailleurs les gens bien plus productifs.
Mais n’en concluez pas pour autant que les Polonais seraient négligents au travail : ils ne sont pas du genre à faire la sieste en cours de journée ou à prendre trois mois de vacances par été. On classe les Polonais parmi les travailleurs les plus acharnés au monde. Ils figurent en septième place, derrière le Mexique, la Corée du Sud, le Chili, la Russie, la Grèce et le Costa Rica, dans un classement basé sur le nombre d’heures travaillées en 2018. Et pourtant, le pays conserve une culture d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. La devise des Polonais pourrait être : « Durs au travail, durs dans le jeu ! ».
En Pologne, vous n’êtes qu’à deux heures et demie et à une cinquantaine d’euros de destinations de rêve
Une des beautés de la vie en Europe centrale, c’est que tout ce qui vous sépare d’une destination spectaculaire, c’est en général un vol rapide à bord de WizzAir ou de RyanAir. Après une semaine de travail un peu longue, vous pourrez sauter dans un avion le vendredi soir et arriver à Rome avant 21h. Voici une liste de destinations situées à moins de deux heures et demie de vol de l’aéroport Chopin de Varsovie :
Londres – Deux heures et demie
Paris — Deux heures et demie
Rome — Deux heures et demie
Istanbul — Deux heures et demie
Et si vous avez, comme moi, été gâté par l’habitude des hivers doux (ceux de la Baie de San Francisco, dans mon cas), vous pourrez toujours jouer les oiseaux migrateurs et atteindre Tel Aviv en seulement trois heures et demie de vol, ou les Iles Canaries, en à peine cinq heures de vol.
Bref : la décision de quitter la région de la Baie de San Francisco pour la Pologne a été l’une des meilleures décisions que j’aie jamais prises. La Pologne se trouve à un tournant de son histoire : la croissance économique y est catalysée par une main-d’œuvre hautement qualifiée et très diverse, et renforcée par des investissements étrangers d’une grande importance. De nombreux ressortissants européens quittent le Portugal, l’Italie, ou encore l’Espagne, pour s’installer en Pologne, en raison de son taux de chômage très bas, de son PIB en constante augmentation et de ses faibles taux de criminalité.
J’aime comparer la Pologne d’aujourd’hui et l’Israël des années 1990. Dans les années 1990, Israël a connu une augmentation très importante des investissements, tant dans le secteur public que dans le privé. C’est aussi à peu près ce que fait la Pologne actuelle, à ceci près qu’elle compte quatre fois plus d’habitants qu’Israël.
J’envisage avec beaucoup d’optimisme la situation de la Pologne d’ici à 2030, et je serai fier d’avoir contribué à cette histoire.
MISE À JOUR :
Une citation de Gregor Zebrowski que j’ai trouvée assez pertinente pour mériter d’être partagée en note de bas de page :
« Ce qui peut sembler contre-intuitif à de nombreux polonais au pays, c’est que nous avons souvent tendance à nourrir nos complexes d’infériorité en percevant notre pays comme un pauvre marigot tout juste bon à exporter des pièces détachées pour automobiles, des meubles, ou encore des plombiers et des infirmières, alors qu’en réalité, notre pays, de pays d’émigration qu’il était, s’est transformé en un pays d’immigration, et notre secteur des Technologies de l’Information et de la Communication donne du travail à plus de 400 000 personnes (contre 80 000 à 90 000 personnes dans le secteur minier, ou encore 93 000 personnes en tout pour les quatre premières entreprises du secteur énergétique).
Dans notre écosystème, il y a certes encore beaucoup à faire en matière d’innovation, mais nous sommes effectivement arrivés à un tournant de notre histoire. »
Dominik Andrzejczuk
Illustration: 123rf
Argumentation répugnante : en Pologne on est américanisé, on est informatisé, on on est végan, féministe et puis on prend l’avion. Rien sur le culture polonaise ou le reste. On oublie discrètement aussi la question multiculturelle. Un foutage de gueule néo-américain qui oublie quand même qu’en Pologne on veut aussi ENVAHIR LA RUSSIE !
J’oubliais : les balades en avion avec vaccin et test dans toute la vieille Europe !
Personnellement , je préfère la Roumanie et les bords de la Mer Noire qui d’ailleurs est verte.
Il n’y fait très très froid que dans les Carpathes et puis je maîtrise déjà mieux la langue.
Les roumains commencent à retomber sur terre et déchanter devant l’euro, ils ont conservé leur Leu/Lei, une monnaie qui se traduit par Lion et cela correspond à un tempérament qui correspond à ce noble animal.
D’accord , le pays est moins riche et plus rétif à la pik-pik que la Pologne et ça me va très bien.
Même si je n’y rouvrIrai jamais de cabinet après trente ans se sera une excellente pré-retraite.
Mais je le préfère pour me mettre au vert loin de la France , de la Suisse ou de la Belgique qui se transforment en asiles de fous atteint de rhinocérite aiguë.
J’espère que les roumains se raviseront et penseront un peu plus au Romanexit.
Et je ne suis pas sûr que les roumains soient si mauvais que ça pour prendre le tournant de la high -tech, je sens frémir le delta du Danube.
Dans la rhinocérite , Eugène Ionesco pensait sûrement décrire les divagations de son pays d’origine sous le fascisme d’Antonescu puis le communisme de Ceausescu, en fait il s’était trompé, c’est en France que la maladie a fini par prendre plus récemment et durablement.
Les Polonais sont des personnes très agréable.