Géopolitique de la famine et terrorisme alimentaire : «La guerre mondiale pour le pain est déjà en cours»
par Alexandre Keller de t.me/kompromatmedia
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Les déclarations alarmistes se multiplient en Occident, à mesure que ses dirigeants se rendent compte du poids considérable de la Russie et de l’Ukraine, greniers à blé, avec le Kazakhstan, du monde.
L’Organisation des Nations unies s’inquiète très sérieusement. «La crise alimentaire actuelle pourrait rapidement se transformer en une catastrophe alimentaire mondiale en 2023», a déclaré Rebeca Greenspan, responsable de la Conférence des Nations Unies sur le développement du commerce et des exportations.
Mais ce n’est pas tout, l’Occident semble découvrir la dépendance du monde non seulement à l’agriculture, mais aussi aux matières premières russes. «La hausse des prix de l’énergie et les restrictions sur les exportations d’engrais de la région de la mer Noire ont fait grimper les prix des engrais plus rapidement que les prix des denrées alimentaires», a-t-elle ajouté.
«Des milliards de personnes» concernées
Même alarmisme affiché en Europe. «La guerre mondiale pour le pain est déjà en cours, a averti le 6 juin le ministre italien des Affaires étrangères Luigi di Maio. Ajoutant : «Si le conflit militaire en Ukraine ne prend pas fin rapidement, la famine pourrait déclencher une instabilité politique en Afrique». Et de s’inquiéter d’une possible «prolifération d’organisations terroristes et de coups d’État», à la faveur de l’insécurité alimentaire. En clair : le cercle vicieux de la guerre et de la famine.
La prise de conscience est brutale pour l’élite bruxelloise, qui tenait pour acquis de pouvoir commercer avec la Russie, tout en lui menant une guerre économique totale, mais sans en avoir les moyens. Le réveil risque d’être encore plus difficile pour les populations qui subissent, réellement, les conséquences des décisions de leurs gouvernements : hyperinflation, rayons vides et pour les plus faibles économiquement, l’aggravation de l’insécurité alimentaire. En clair, le spectre des disettes que l’on croyait disparues dans les sociétés d’«abondance».
Dans un monde globalisé et interdépendant, la «catastrophe» ne se cantonnerait par aux pays d’Afrique. Si le conflit se poursuit, et que «les prix élevés des céréales et des engrais se poursuivent jusqu’à la prochaine saison de semailles, la crise actuelle pourrait s’étendre à d’autres cultures majeures, y compris le riz, affectant des milliards de personnes», a encore prévenu Rebeca Greenspan.
«Sans engrais, les pénuries toucheront tout — le blé, le maïs, les cultures vivrières de base. Des milliards de personnes en Asie et en Amérique du Sud ressentiront l’effet dévastateur. Et si nous parlons pour l’instant de problèmes d’accès à la nourriture, alors l’année prochaine nous parlerons du manque de nourriture », a insisté António Guterres, secrétaire général de l’ONU
«Cela exacerbe l’impact de nombreuses autres crises dans le monde, notamment le changement climatique, la pandémie de coronavirus et les disparités dans l’accès aux ressources pour se remettre du Covid-19», a-t-il ajouté, afin de ne pas omettre les figures mythologiques imposées du discours mondialiste.
L’agenda mondialiste et impérial avant les ventres
Soumise à Washington, dont elle applique, contre toute rationalité économique et géopolitique, l’agenda antirusse – et antieuropéen, l’Union européenne se retrouve dos au mur. Sa guerre totale financière économique et bancaire contre la Russie est un échec. Et maintenant, en boomerang, la flambée de l’énergie et des denrées agricoles, conséquence de sa soumission à l’Empire américain, menace son économie. Les pays riches ne sont pas à l’abri, sinon de la famine, du moins de graves pénuries. Et des troubles sociaux qui effraient tant l’oligarchie.
Pourtant, Bruxelles tente encore de bluffer et joue avec l’Ukraine une partie de poker menteur contre la Russie sur la nourriture comme sur l’énergie. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé la création de «lignes vertes» terrestres pour l’exportation en urgence de plus de 20 millions de tonnes de céréales ukrainiennes via la Pologne, la Slovaquie et la Roumanie.
Ce à quoi, le secrétaire ukrainien du Conseil de la sécurité nationale et de la Alexeï Danilov a opposé que Kiev ne reprendrait ses exportations de céréales que lorsque sa propre «sécurité» serait assurée. «Si ce problème n’est pas résolu, aucune céréale n’ira nulle part», a-t-il asséné le 7 juin.
Volodymyr Zelinsky, lui, se fait plus conciliant, mais plaide l’impuissance. «Avant, on exportait par voie maritime. Grâce aux corridors de la mer Noire, les ports ouverts exportaient 10 millions de tonnes par mois. Si on parle du chemin de fer aujourd’hui, ce qu’on a déjà commencé à faire en parallèle, on ne parle pas de 10 millions de tonnes, mais maintenant on parle de 2 millions de tonnes par mois», a-t-il expliqué. Sans compter la destruction des lignes de chemin de fer stratégiques, que l’Occident comptait utiliser pour alimenter le conflit en armes.
Mais pourquoi un tel discours alarmiste en Occident ?
Le 8 juin, Sergueï Lavrov, a déclaré que l’Ukraine et l’Occident tentaient de présenter un «problème mineur», les céréales ukrainiennes, comme une «catastrophe universelle».«Problème mineur», sans doute parce que la solution est simple : il suffirait de rouvrir les routes maritimes. Il suffirait également de lever les sanctions contre la Russie pour voir reprendre les flux d’engrais vers les autres régions agricoles du monde. Si le régime de Kiev a miné les ports de la mer Noire et retient des dizaines de navires censés livrer du blé, un déminage est possible. La Russie a ainsi déjà entamé le nettoyage le port de Marioupol, sous son contrôle.
Le 8 juin, Sergueï Lavrov a convenu avec son homologue turc Mevlut Cavusoglu de la mise en place d’un dispositif supervisé par la Russie, l’Ukraine, la Turquie et les Nations Unies, permettant l’exportation sûre de céréales depuis les ports ukrainiens.
Le même jour, Moscou a accusé les militants des bataillons nationalistes ukrainiens d’avoir brûlé 50.000 tonnes de céréales dans le port de Marioupol avant de prendre la fuite. «Ce crime inhumain montre à la communauté mondiale le vrai visage du régime de Kiev et ses méthodes de terrorisme alimentaire contre son propre peuple», a jugé la diplomatie russe.
L’«Ukraine utile», bientôt dans de retour dans le monde russe
Pourtant, face à l’urgence, l’élite occidentale, dans son projet d’intégration mondialiste et d’ingénierie géopolitique, ne semble pas vouloir lâcher le morceau, alors même qu’elle perd ses leviers les uns après les autres. La guerre en Ukraine a déclenché un vaste mouvement tectonique de redistribution de la puissance. Le monde d’après, multipolaire, émerge et l’Occident ne parvient plus à imposer sa volonté au reste de la planète.
«Nous exhortons tous les pays du monde à ne pas acheter à la Russie les céréales volées en Ukraine, nous les exhortons à vérifier leur origine», a ainsi déclaré Peter Stano, porte-parole des Affaires étrangères de la Commission européenne, signe d’une certaine nervosité à Bruxelles. Car, sur le terrain, l’armée russe est en train de gagner la guerre. A terme, c’est non seulement le Donbass, déjà pratiquement libéré du joug de Kiev, mais tout le territoire au sud d’une ligne Odessa-Kharkov qui pourrait rejoindre le monde russe auquel il avait toujours appartenu.
Derrière l’armée, le rouble, les administrations et les entreprises russes chargées de la reconstruction suivent déjà. La République de Donetsk a affirmé que son intégration comme sujet de la Fédération de Russie était déjà en cours.
A terme, Kiev serait hors-jeu et la Russie contrôlerait l’Ukraine utile, non seulement industrielle, mais aussi maritime et agricole. Cette Novorossiya, nouvelle Russie, produit 50% du blé ukrainien.
L’Occident s’opposera-t-il à son exportation pour des motifs idéologiques ?
«Ils essaient de limiter l’exportation de nos engrais et les prix ont grimpé. Ça n’a rien à voir avec nous. C’est le résultat de leurs erreurs commises depuis longtemps», a expliqué Vladimir Poutine.
«C’est aux Occidentaux de décider maintenant», avait déjà résumé Sergueï Lavrov.
Alexandre Keller, pour Strategika
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