L’intérêt militaire de détruire les infrastructures énergétiques

Source : cf2r.org – décembre 2022

https://cf2r.org/rta/linteret-militaire-de-detruire-les-infrastructures-energetiques/

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Depuis plusieurs semaines, les forces russes frappent intensément les infrastructures énergétiques de l’Ukraine. A ce jour, selon les déclarations officielles de Kiev, 50% du réseau électrique ukrainien serait hors service. Cependant, si les médias occidentaux s’intéressent principalement aux conséquences pour les civils, il ne faut pas oublier que cela présente aussi et surtout un intérêt militaire important pour l’armée russe. La question n’est pas ici de savoir si ces destructions peuvent être considérées ou non comme des « crimes de guerre ». Je ne suis pas juriste et la réponse à cette question ne m’appartient pas. L’objectif est ici de simplement exposer les avantages militaires que cela procure à la Russie.

Perturbation de la logistique ukrainienne

La logistique ukrainienne, comme celle des Russes d’ailleurs, dépend énormément du réseau de chemin de fer. Environ la moitié de ce réseau est électrifiée et, outre le fait que les destructions pénalisent lourdement l’utilisation des locomotives électriques, cela désorganise surtout très fortement la gestion du réseau (contrôle des aiguillages, signalisation, passages à niveau, etc.) et l’incidence sur le trafic est donc très importante. Bien que le gouvernement ukrainien ne rende pas comptedes conséquences des frappes russes sur le volume de trafic global, ce qui est logique, nul doute que cela l’entrave très fortement.

La destruction des infrastructures électriques touche gravement un autre élément essentiel au fonctionnement d’un Etat : le service des communications. Sans électricité, plus de téléphone fixe ni mobile, plus d’internet, plus de messagerie électronique, etc. Dans ces conditions, la transmission des ordres, l’organisation des flux logistiques et la remontée d’informations sont perturbées. Bien sûr on peut supposer que les services essentiels de l’Etat sont pourvus en groupes électrogènes afin de leur permettre de fonctionner mais pour communiquer il faut être au moins deux, et si le ou les destinataires sont privés d’énergie à ce moment-là, la liaison ne se fera pas.

Perturber les opérations militaires ukrainiennes

La rupture de l’alimentation électrique a aussi un impact important pour les troupes au front. Les forces ukrainiennes sont très dépendantes des réseaux téléphoniques civils et, même si elles peuvent s’appuyer sur le réseau Starlink de communication satellitaire, les terminaux aussi ont besoin d’électricité pour fonctionner ; de même, il faut bien recharger les batteries des drones, des radios PMR (Talkie-walkie), des ordinateurs portables etc. Évidemment on peut penser que les forces ukrainiennes disposent de groupes électrogènes, mais il est improbable qu’il y en ait pour tout le monde. De plus, un groupe électrogène nécessite du carburant, lequel qui ne sera alors pas disponible pour les véhicules. Cela engendre donc un flux logistique supplémentaire qui sera lui-même plus difficile à réaliser au regard des raisons exposées dans le précédent paragraphe.

Les conséquences pour la population civile

Les ruptures électriques ont des conséquences très négatives sur la vie des civils. Nos médias le rapportent largement : problèmes liés au froid, manque d’eau potable (les stations d’épuration fonctionnent à l’électricité) et impact sur le ravitaillement en nourriture. L’Etat ukrainien doit donc pourvoir au plus urgent afin d’assurer une assistance minimale aux populations. Or cette charge supplémentaire pèse fortement sur une chaîne logistique déjà sous haute tension. Cela oblige donc le gouvernement à détourner une partie de ses ressources en hommes et en matériel afin de venir en aide à la population. Ressources qui ne seront alors pas disponibles pour le front.

Nos sociétés sont extrêmement dépendantes de l’énergie et la technologie accroît toujours plus cette dépendance. En s’attaquant aux infrastructures énergétiques du pays, la Russie s’assure de perturber en profondeur l’outil militaire ukrainien. Si on ne peut exclure une volonté de « punir » et de faire pression sur la population ukrainienne par ce biais, il est peu probable que ce soit la raison principale de cette campagne de frappes. La seule vraie question est : pourquoi maintenant ? Lors de l’attaque de l’OTAN sur le Kosovo en 1999 et de l’invasion de l’Irak en 2003, les infrastructures énergétiques ont été détruites à respectivement 70 % et 80 % dans les premières 24 heures du conflit afin de désorganiser autant que possible les forces adverses. Cela rejoint l’idée que l’opération militaire lancée le 24 février dernier devait, dans la tête des responsables russes, être très courte et impacter le moins possible une population civile accueillant favorablement les troupes russes…

Il semble bien que la Russie s’inscrive maintenant dans le temps long et cherche à gagner du temps afin de réorganiser ses propres forces durement malmenées par l’armée ukrainienne. On peut aussi s’interroger sur le fait que, pour le moment, les ponts sur le Dniepr aient été épargnés alors que, comme pour les infrastructures électriques, les ponts font généralement partie des premières cibles d’une guerre, à côté des centres de commandement et des principales bases militaires. La Russie en a pourtant largement les moyens et on peut supposer qu’elle garde cette possibilité en réserve.

Au-delà de la dimension morale ou juridique que l’on peut accorder à ces frappes, celles-ci répondent bien à des objectifs militaires dont les effets sur l’armée ukrainienne sont aujourd’hui essentiels pour la Russie. Il est donc probable que cette campagne contre les infrastructures énergétiques se poursuive aussi longtemps que durera cette guerre.

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